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Celle qui ne parle pas

Capucine Ruat

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Celle qui ne parle pas a, bien sûr, beaucoup de choses à dire. Des choses gardées secrètes au fond de soi. Des choses qui brûlent à l’intérieur. Des choses sans importance, peut-être. Il y a un moment où il faut parler, question de survie. Parce que le corps lâche peu à peu, devient maigre et retourne dans l’enfance. Parce qu’on n’a plus le goût à rien. Parce que les proches tournent le regard, aveugles ou désemparés.La jeune femme a trente ans. Elle sent qu’elle ne peut plus continuer à faire semblant. À ne pas s’aimer, à se mettre au secret. À laisser passer la vie. Si elle ne fait rien elle restera une femme confite de sel, une statue de marbre. Alors elle reprend son histoire, le fil rouge qui va d’une femme à l’autre, de sa grand-mère à sa mère, de sa sœur à sa meilleure amie. Des générations de femmes qui se transmettent un amour bancal. Un amour à cinq pattes. Une féminité mal assurée, comme un fardeau dont la jeune femme a hérité. Pour comprendre, elle fouille et cherche les racines. En 1986 elle a onze ans, elle quitte l’enfance dorée pour l’adolescence. Son corps devient lourd et ingrat, maladroit et poisseux. Face à des femmes qui ne s’aiment pas, et à une sœur aînée qui l’éclipse de toute sa beauté, elle entre en crise. Les livres et l’écriture deviennent un refuge devant le silence qui se fait. Devant la famille qui l’étouffe un peu plus chaque jour. À onze ans elle apprend la peur, qui ne la quitte plus. Aujourd’hui, derrière les femmes, il y a l’ombre des hommes. Le père, adoré dans l’enfance, qui ne vous prend plus dans ses bras. Des histoires d’amour souvent désolantes. Pourquoi n’est-on pas aimable ? Pourquoi ne s’aime-t-on pas ? C’est en parlant, tendrement, à ceux qu’on aime qu’on se fraie un chemin, c’est en écrivant qu’on se réconcilie avec la vie.