“In my childhood memories, my great-uncle, Fernand Doukhan, was a grumpy old man who seemed to fight windmills. Ten years after his death, this image clashed head on with a brief biographical notice I found on the internet: it mentioned his anarchist past in Algeria. That is how the idea for this book was born. He was from a Jewish Berber family (about 50% of Algerian Jews are Berber) who had probably settled there as far back as the Eleventh Century. He was born in Algeria in 1913 and was the first man in the family to be born French, the first to have a non-Hebrew first name, the first to learn French at school, the first to become a teacher and not an upholsterer, hawker or cleaner. When the first FLN offensives began in November 1954, Fernand Doukhan had already taken his side: the Independence. He died in Montpellier in 1996. Leaving no memories, no letters or even any children. This book has been a long journey through the past, trying to find the tracks he left behind, in France, in Algeria, in archives, and with witnesses who came across him.”
Nathali Funès
Il venait d’une famille juive berbère, comme la moitié des juifs d’Algérie, sans doute installée là depuis le xie siècle. Il voit le jour à Alger, en 1913. Il est le premier homme de la famille à naître français, le premier à avoir un prénom qui ne soit pas hébraïque, le premier à apprendre le français à l’école, le premier à devenir instituteur, alors que de génération en génération, chez les Doukhan, on était matelassier, brocanteur, domestique… Il va partir au front dès le début de la Seconde Guerre mondiale pour défendre le drapeau français. Il est fait prisonnier, le 23 octobre 1940, envoyé pour cinq ans dans les stalags allemands, alors qu’à Alger le régime de Vichy supprime le décret Crémieux, retire leur nationalité aux juifs, leur interdit d’enseigner. À son retour, instituteur à l’École Lazerges, dans le quartier de Bab el Oued, il devient anarchiste, commence à s’emporter contre cette France coloniale qui laisse derrière les grilles de ses écoles la majorité des enfants musulmans. Quand éclatent les premières attaques du FLN, en novembre 1954, les anarchistes et les trotskistes sont les seules mouvances politiques à réclamer la fin de la colonisation française. Fernand Doukhan milite de plus en plus activement. Il s’insurge, dans le journal Le Libertaire, contre « la dictature française en Algérie»… Il est arrêté le 28 janvier 1957, en pleine bataille d’Alger. Parce qu’il a fait grève à l’appel du FLN. Il est à nouveau emprisonné. Cette fois-ci au camp de Lodi, à une centaine de kilomètres au sud d’Alger. Là où moisissent les « Français de souche » suspectés d’être favorables aux thèses indépendantistes et où sera aussi enfermé Henri Alleg, l’auteur de La Question. Le 30 mars 1958, quatre ans avant l’indépendance, des militaires viennent le chercher, le poussent dans un camion, puis sur un bateau en direction de Marseille. Sur simple arrêt préfectoral, Fernand Doukhan vient d’être expulsé d’Algérie. Il n’y retournera plus jamais.
Il est mort en 1996 à Montpellier. Sans laisser de souvenirs, de correspondances, de journal intime, ni même d’héritiers. Ce livre a été un long voyage dans le passé, à la recherche des traces qui restaient de lui, en France, en Algérie, dans les archives, auprès des témoins qui ont croisé sa route. »
Nathalie Funès