Être et sexuation avance l’une des thèses les plus audacieuses quant à la question sexuelle depuis Freud. Elle formule que la distinction du désir et de la jouissance n’aura jamais valu que pour la position masculine. Pour la femme, ils seraient rigoureusement la même chose. Cette thèse jette une lumière crue sur ce que la pensée de tous âges, jusqu’à la psychanalyse comprise (de l’aveu de Freud comme de Lacan), a rejeté de la libido féminine comme « continent noir », irrationnelle et abyssale.
On constate aussi bien que les ontologies qu’on aura prédiquées de « féminines », de Schelling à Malabou en passant par Deleuze, tendent à l’indistinction plus ou moins explicite de l’être et de l’événement, qui recoupe l’identité désir = jouissance à l’origine de la position « femme». Ontologies tournées du côté de la Nature, du Chaos, du devenir et de l’immanence. Inversement, les ontologies « viriles », de Hegel à Badiou, sont elles de l’Ordre rationnel et du transcendantal, du « fixisme » formel et de la discontinuité.
Est-il dès lors possible d’ouvrir un lieu de pensée qui se situe, sans le moindre « hermaphrodisme métaphysique », à l’intersection des deux positions sexuées ? Qui en déduise une nouvelle pensée de l’origine ? C’est-à-dire une genèse inédite des événements, en ce qu’ils ont à faire avec la capacité proprement humaine à s’approprier l’être,de la mathématique à la musique, de la politique à – bien sûr – l’amour lui-même ? Ce sont les bases d’une telle « ouverture » que questionne ce livre.