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Les nuits blondes

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Eve Scavo

Le 5 août 1962, à Cotillac, ce n’est pas Marilyn que pleure Nana dans la nuit. Seule face à la psyché brisée, grimée et peroxydée, sanglée dans sa robe des grands soirs, Nana dit adieu à Norma et, dans un rire de démence, trace au tesson dans ses chairs une croix de sang. 
Qui est Annabelle Berger, Annabella, Nana, et qui saura dire d’où lui viennent ses démons ? Devra-t-on pour comprendre exhumer les absents ? Les cueillera-t-on dans la cave où elle tient prisonnier Antoine ? « Fais-moi une promesse, ma petite fille, ne tombe jamais amoureuse. Aimer, c’est donner à quelqu’un le pouvoir de te tuer. 
Regarde ce que je suis devenue : une perdrix dans un tableau de chasse. » Fuir les hommes. À Cotillac, ils ne font de toute façon que passer ; Milou n’est jamais rentré, Arthur ne viendra plus. 
En 1962, dans un village de bord de mer, alors que la guerre d’Algérie touche à sa fin, ce sont les femmes qui mènent la danse. Chez Gina Coiffure, tenu par les soeurs Berger, on se presse pour une mise en pli, une couleur, une choucroute triomphante, et parce qu’on sait aussi qu’on n’y perdra pas une miette de salace, de scabreux, de très noir. Puis on ne manquerait pour rien au monde le spectacle navrant de la petite Nana, cette jolie dingue qu’on envie et qu’on craint, cette petite soeur qui ne tient qu’à un fil. Alors quand Claire, le garde-fou, l’assurance du quotidien quitte Cotillac et rejoint la capitale pour y dénicher un casque chauffant flambant neuf, l’équilibre explose. 
Sur sept jours, du 4 au 11 août 1962, Les nuits blondes jouent du secret de famille pour faire revivre non pas Marilyn Monroe, mais Norma Jeane Baker. On dissimule ce qu’on est dans les caves, les placards, les lettres, les journaux intimes et les rêves. Tout, mais pas la vérité. Sauf celle de la célèbre blonde. Et puis celle des femmes qui vont aux noces comme on va à l’abattoir et tuent par amour. Marilyn n’est pas le propos, on veut l’envers du décor, on veut Norma.